Tiré par la reprise économique, le cours du pétrole, du cuivre ou du palladium affiche une belle santé. Mais, à l’avenir, tout le monde ne sera pas à la fête.
Par Michel Revol
On l’appelle le « docteur copper ». Le cuivre (copper) est un excellent baromètre de l’économie mondiale, parce qu’il est utilisé partout, des circuits électroniques aux batteries en passant par le bâtiment. Quand ça va mal, il plonge ; quand ça va mieux, il grimpe. Ces temps-ci, ça va bien, très bien même, pour le docteur copper : son cours évolue autour des 10 000 dollars la tonne, pas loin de son record historique de 10 190 dollars atteint le 15 février 2011. Goldman Sachs estime même que la tonne du minerai pourrait atteindre 15 000 dollars en 2025 !
Évidemment, les experts mettent cette bonne santé sur le compte de la faiblesse du dollar, qui offre des opérations d’achat de cuivre à bon compte. Mais, plus largement, la perspective de reprise économique explique l’entrain du minerai, et de nombreuses autres matières premières comme l’aluminium, qui a gagné près de 20 % depuis le début de l’année. Autre indice : l’indice Bloomberg des matières premières a retrouvé son plus haut niveau depuis 2018, après avoir atteint son plus bas depuis quarante-cinq ans l’année dernière.
L’horizon du pétrole est un peu sombre
Depuis quelques semaines, les investisseurs sortent le champagne. Les perspectives de sortie de crise se concrétisent. Le FMI vient de rehausser ses estimations : les États-Unis devraient connaître une hausse de leur PIB de 6,4 % en 2021, soit la plus importante depuis une quarantaine d’années. De leur côté, la Chine pourrait atteindre, toujours selon le FMI, 8,4 %, et l’Inde 12,5 % (un chiffre à pondérer selon les conséquences de la pandémie). « La reprise économique est importante, et c’est positif pour de nombreuses matières premières », juge Vincent Boy, analyste chez IG France.
Le pétrole fait partie de la fête, au moins à court et moyen terme. Si l’Opep a décidé, ce 21 avril, de ne pas toucher à son volume de production, elle maintient la perspective d’ouvrir les robinets à partir de mai. Certaines estimations évaluent la production à 99,7 millions de barils à la fin de l’année, contre 92,3 en janvier. Goldman Sachs prévoit d’ailleurs un baril à 80 dollars à court terme, contre une soixantaine aujourd’hui. Là encore, cette tendance, qui s’explique par la hausse de la demande, est à prendre avec des pincettes : l’Inde, troisième importateur d’or noir au monde, pourrait réviser sa croissance à cause de la flambée actuelle de l’épidémie.
À plus long terme, toutefois, l’horizon du pétrole est un peu sombre. Les accords de Paris, signés en 2015, vont conduire les pays à réduire leur consommation d’énergie fossile pour atteindre la neutralité carbone. La crise sanitaire a renforcé les engagements des États, dont un grand nombre se sont fixé des objectifs de limitation de carbone encore plus drastiques qu’en 2015. Le pétrole, évidemment, en pâtira.
Menace d’inflation
À l’inverse, certaines matières premières vont profiter de ces engagements. Il en va ainsi de celles utilisées par l’économie de la transition énergétique, pour fabriquer par exemple les aimants des rotors ou les mâts et pâles des éoliennes. C’est donc le cas du cuivre, dont le prix a doublé depuis un an, de l’aluminium (+ 20 % depuis le début de l’année), ou encore du palladium, présent dans les pots catalytiques (son prix vient d’atteindre un record historique à quasiment 3 000 dollars l’once). Mais, là encore, le long terme est incertain. D’abord, il va falloir fournir les quantités de cuivre qu’avale, chaque année, la Chine : plus de la moitié de la production mondiale est importée chaque année par la Chine, dont la demande a crû de 13 % en 2020. Or, durant la crise, les investissements au Chili et au Pérou, les plus gros producteurs mondiaux de cuivre, ont fléchi. L’agence Fitch prévoit qu’en 2023, sans autres investissements dans de futures mines, il manquera près de 6 millions de tonnes de cuivre sur le marché, soit à peu près la production annuelle du Chili !
Ensuite, la menace d’une inflation pèse sur l’économie mondiale. Elle pourrait conduire à un resserrement des politiques monétaires, qui nuirait au cours des matières premières liées à l’énergie. La Fed ne prévoit toutefois pas de hausse des taux d’intérêt avant 2023, note Vincent Boy. Il faudrait pourtant refroidir la température sur certains marchés de matières premières, dont l’envolée devient complètement irrationnelle : l’indice du cours mondial du bois, par exemple, a été multiplié par près de cinq en un an, s’envolant de 300 à 1 420 dollars la tonne !